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Syntexte [syn-t.ext]

Syntexte signifie "texte synthétique", et n'est pas uniquement un jeu de mot lacanien avec saint texte, cela peut se dire et écrire de multiples manières significatives : syntex, syntexe, synt.exe, synt.exp, syn-t.ext. On peut aussi ajouter un g pour faire sy(g)nt. ext, pour accentuer la dimension "signe", ou un h (synth.etc.) pour accentuer le côté synthétiseur.
T.ext, .exp, .exe, comme des extensions de fichiers correspondant à des logiciels d'extériorité, d'exploration, et d'exécution, l'extension .exe étant sans doute la plus puissante des extensions [naissance = vie.exe], évoquant la notion de texte perfor(m)atif (installant et déclenchant logiciels et programmes).

Il s'agit de condenser des dizaines de pages en quelques phrases : concentrer les résumés pour aboutir au niveau 2, faire ouvrir la porte secrète des pensées du cerveau ; résumer les résumés pour trouver de nouvelles idées, de nouvelles visions. Le mutantisme pourrait être un amoncellement de concentrats visiotextes, de concentrats psychiques synthétiques.

Le syntexte doit être comme un shoot : 5mn de lecture est l'idéal, 10mn maximum ; après l'impact se perd, l'on passe à un autre type de super-syntexte qui nécessite organisation et subdivisions.
Pour cela : écrire pendant plusieurs mois + accumuler (copier/coller) fragments linguistiques (phrases, paragraphes, informations) issus de la veille mutantiste (toutes sources) ; relire, tout couper sauf quelques mots qui semblent mériter d'être sauvés ; puis assembler (la phase d'assemblage doit être effectuée, si possible, dans un état de légère transe épiphanique, avec une musique adéquate, très violente, très compliquée, très rapide).
Aller droit au but. Nec, nectar, nexus. Trouver de nouvelles idées, de nouvelles visions par l'amoncellement de concentrats visiotextes.
A force de travailler sur des textes de toutes origines sur de longues périodes, on finit vraiment par voir tout cela comme de la matière, de la sculpture de langage pensée-sensation. Tous les textes du monde sont de la matière à sculpter. Tout le langage du monde est de la matière à compresser et sculpter. Comme une immense casse de voitures, où de nombreuses carcasses sont démantelées et compressées en un seul parallélépipède métallique, une seule sculpture compacte et chaotique à la fois, un chaos compact.


De l'intérêt du développement des techniques de concentrat et de syntextique

Le nombre d'oeuvres produites dans ce monde s'accroît chaque jour. Avec le temps qui passe, les écrits s'accumulent, et même après un tri rigoureux, le nombre d'oeuvres méritant le détour, le regard, méritant d'être connues et conservées, ce nombre d'oeuvres s'accroît, lentement, mais inéluctablement.
La population sur Terre augmente, et avec les progrès de l'alphabétisation et de l'éducation, la population d'humains produisant et pouvant produire des oeuvres écrites augmente en proportion.
Le nombre d'oeuvres sur Terre va augmenter au point que tout regard d'ensemble deviendra de plus en plus ardu, voire impossible.
En l'absence de technique d'ingestion accélérée des oeuvres (ce qui, peut-être, ne saurait tarder, grâce à l'invention de puces miniaturisées pouvant stocker des informations dans le cerveau), le temps de prise de connaissance des oeuvres importantes du patrimoine de l'humanité va et ira sans cesse croissant. Il suffit de considérer le nombre et la qualité des oeuvres du 20e siècle : on ne peut faire l'économie de leur connaissance, pas plus que l'on peut faire l'économie de la connaissance des oeuvres des siècles précédents. Il en sera de même pour le 21e siècle et les siècles suivants : même avec des zones désertiques, des périodes creuses, la fécondité reste la règle, sur la durée, et ce siècle produira son lot d'oeuvres significatives qui ira s'additionner à celles des siècles et millénaires précédents, au point qu'il sera de plus en plus difficile pour un nouveau-venu de comprendre et assimiler l'ensemble, pour être un humain mis à jour et conscient du point historico-spatio-temporel où il se trouve.

Le Chinois comprennent particulièrement bien ce problème : leur écriture est si complexe, qu'il faut en moyenne à chaque Chinois plusieurs années supplémentaires, par rapport aux autres civilisations, pour maîtriser leur idiome. Il va s'avérer crucial pour eux de trouver une technique de synthèse et de simplification de leur écriture. (Les Turcs sont par exemple exemplaires en la matière, avec la réforme de leur langue.)

Devant cette situation d'inflation généralisée et durable du nombre d'oeuvres, il peut être intéressant de considérer une autre manière de produire des oeuvres : faire très court, en utilisant les techniques mêlées de la condensation, du résumé et du cut-up : qu'une page condense, sans pertes, 30 pages d'images et de pensées. Selon le roman de science-fiction Babel 17, le langage condensé, compressé, serait l'arme absolue. Sans aller jusque là, nous pensons que l'humanité aurait à gagner à étudier cette voie, et il me semble que d'un point de vue littéraire cette voie n'a pas été pleinement explorée. [Attention nous avons pleinement conscience d'autres voies basées sur la répétition, l'amplification, le développement, etc.].


Quelques exemples

Certains livres Caméras Animales (en particulier Raison basse, Crevard, Vitriol, Danse-fiction) sont des syntextes : chacun d'eux a été conçu avec l'auteur à partir de plusieurs oeuvres de l'auteur, d'un volume à chaque fois environ 3 à 30 fois plus important que le livre final. Chacun de ces livres est donc un moyen d'en savoir beaucoup plus sur chaque auteur et son oeuvre qu'un livre classique. Par exemple, 15000 mails sur des années des listes [compost_23] et [cucuclan] ont été syntexés en 51 pages dans Raison basse.
Un exemple de tentative de langage concentré à partir de grandes quantités de texte : Réplicants (7 syntextes), à lire en Appendice n°2.


Langage français plus compact et rapide

En français, nombre de petits mots dans une phrase ne sont pas pleinement nécessaires à la construction du sens (ils jouent un rôle de consolidation et ré-affirmation du sens) et peuvent être en de nombreux cas supprimés, produisant ainsi des effets d'accélération de lecture et d'ingestion de données, et ceci sans avoir recours au langage sms ou sténo. Ainsi par exemple "je suis français" peut être transformé sans dommage en "suis français", ou "je vais à la pharmacie" en "vais pharmacie". Le but est d'inventer des codes plus rapides, tout en restant fluide et aisément compréhensible (éviter syndrome Guyotat-Le-Livre, le point où la compression n'est plus compréhensible, même si l'on peut voir ça comme une très belle partition musicale).
« que ce ne soit plus des textes mais des programmes, des textes à ouvrir avec des logiciels vidéo, des t.ext, des t.exp, des t.exe »


Réplicants, une illustration des premières théories mutantistes [cf. Appendice 2]

L'oeuvre en ligne Réplicants est surcodée mutantiste :

-technique et application du syntexte (outil mutantiste) ; chaque texte est une scriptopsie (concept mutantiste) d'une page environ issu de [+-] 1-3 mois d'écriture+veille / 30-50 pages de notes ;
- utilisation de données et d'informations permise par le Web (en particulier le p2p (réseau de téléchargement de particulier à particulier), qui a permis le visionnage accéléré de centaines d'oeuvres cinématographiques [science-fiction, documentaires, fiction] dont des extraits-langage (jugés pertinent dans le cadre de l'oeuvre) ont été extraits, déformés et mêlés aux notes personnelles, décimées et harmonisées au final) ;

-application de veilles combinées : veille scientifique, veille science-fictionnelle, veille fictionnelle, rendues en très grande partie possible par la mise en réseau, l'archivage des données en ligne et en libre accès (+ magazines scientifiques papier) ;

- support numérique, en libre accès immédiat (partage) : mise en ligne, au fur et à mesure de l'avancement, sur un blog collectif (II N V II D A T II O N), qui fait qu'immédiatement d'autres créent des oeuvres en résonance avec celle-ci pourtant encore en chantier ;

- aspect modulaire : plusieurs versions (plusieurs type de volume) pour chaque syntexte [versions plus ou moins longues, version pour l'oeil, version pour l'oreille] ;

- exploration de figures mutantistes : réplicants, androïdes (Roy Batty, Léon), gynoïdes (Priss, Zhora, Rachel), dont une a atteint le "point de singularité I.A." (auto-réplication + auto-amélioration) (Rachel, Nexus 7), humain "handicapé" et/ou "spécial" (Isidore), humain "augmenté" + ou - cyborg (Rick Deckhard) ;

- création de versions audio avec des logiciels de voix de synthèse et des voix humaines ;

- l'auteur la déclare mutantiste.

Un tel surcodage (que l'on appellera un jour "cliché mutantiste") n'est pas nécessaire, mais permet ici de clarifier les choses et montrer l'une de ses directions.
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