MACHINES
La spectromieuse poédiluante [poémachine, machine à
remix poétique par augmentation à base de po(eproth)èses]
Les mots sont des samples. Le langage est l'échantillonnage de la pensée.
Cette machine a pour dessein de reconstituer le signal-pensée que l'échantillonnage
de la verbalisation a mis à mal. Pour cela, elle interpole les mots
entre les mots, elle réincarne le
ghost du langage, jusqu'à
ce métalangage magmatique qui est le jus de la pensée. La spectromieuse
poédiluante met en lumière une modélisation possible
du processus de création poétique, en tentant de faire le pont
entre le résultat de ce travail et l'état cénesthésique
qui le précède.
Le procédé - qui est une remontée vers la source du langage
- est le suivant :
Spectrom[étr]ie d'un recueil de poèmes : à
chaque mot on associe sa poétivité, à savoir sa portée
poétique au sein du poème, voire du recueil (selon des paramètres
subjectifs propres au poète ou au remixeur, tels que la position du
mot, sa fréquence, son rapport voyelles/consonnes, etc.).
Une base de données associant les valeurs des poétivités
aux mots correspondants est ainsi établie :
- pour chaque poème,
- pour le recueil entier.
Exemple : (extrait)
Poédilation d'un poème donné : entre
chaque couple de mots dudit poème, on interpole (linéairement)
les poétivités, puis aux valeurs interpolées (leur nombre
étant choisi au début de l'opération), on substitue les
mots correspondants. Pour ce faire on privilégie les mots du poème.
Mais si la poétivité interpolée n'existe pas au sein
du poème, on la recherche dans le recueil ou, à défaut,
on choisit la plus proche. Si plusieurs mots sont associés à
la poétivité retenue, on en retient un au hasard.
Exemple : soit la ligne, extraite d'un poème :
« aux
esclavages méta-urbains d'indolence moite ». Le graphique
ci-après représente les valeurs des poétivités
en fonction des mots :
Si on interpole linéairement les poétivités entre « esclavages »
et « méta-urbains », la nouvelle poétivité
(repérée par la croix sur le graphique) vaut (1810 + 4385) /
2 = 3098 (en arrondissant). il n'existe pas de mot, dans le poème,
qui possède une poétivité de cette valeur. On recherche
alors dans la base du recueil entier. la valeur la plus proche est 3087. Elle
correspond au mot « travers ».
Une poédilation de degré 1 entre « esclavages »
et « méta- urbains » donnera donc la suite de
mots
« esclavages travers méta-urbains ».
Appliquée à la totalité de la ligne, cela donne :
« aux
l'estime esclavages travers méta-urbains aime d'indolence continuité
moite ».
Une poédilation de degré 2 reviendrait à appliquer la
même procédure sur cette nouvelle ligne.
Le résultat de la spectromie poédiluante ne s'apprécie
pas et ne s'analyse pas selon des critères stylistiques et grammaticaux,
mais doit au contraire imprégner son lecteur d'un imaginaire, associé
à la signification et à l'éventuelle rythmique des mots,
tantôt chaotique, tantôt étrangement évocateur.
Ce trajet mental atypique, qui prend forme tout au long de la lecture/assimilation/digestion
de la bouillie poédiluée, est tel un organisme protéiforme
en pleine transformation, en pleine libération : c'est la mutation
inverse du langage en son précurseur psychique, délié
des rets de la verbalisation à but communicatif.
En pratique, la spectromieuse poédiluante voit son travail accompli
par un script informatique.
Exemple de spectromie poédiluante :
Poème en entrée : « le temps d'un tunnel »
ne resteront-ils pas encore
ces mots mêmes atomiques
pour les traînées dans le ciel
les tranchées dont les couleurs
l'indicible pellicules épousent
à la proximité d'un cil
sans jamais s'évaporer dans une transparence
les arches typographiques s'entêtent
sans jamais devenir la recèle transparente
des non-dits
Métapoème après une poédilation d'ordre 2 :
ne glissant l'hiver consteller resteront-ils consteller l'hiver l'arrière-plan
pas courbe trauma autre encore
ces bizarre briguée languissent mots languissent profilait d'un mêmes
amont menton ç'aurait atomiques
pour gorge ne mêmes les main) toiles autant traînées ricins
on où dans pendu passée en le canaux dans vide ciel
les espace sonate étouffés tranchées croassée
os coupables dont l'auréole d'huiler logique les course intacte chaleur
couleurs l'indicible l'indicible l'attente l'attente pellicules défiance
gris lit épousent
à des le la la ton croiser réserve proximité lit devient
tranchées d'un raccordes créantes gris cil
sans transe fait angles jamais figure nerfs croassée s'évaporer
déferlés mise cependant dans soir humide ce une veux-tu désappris
mots transparence
les des je au arches bon n'importe l'esquisse typographiques vent d'assepts
glitchent s'entêtent
sans transe fait angles jamais ces espace couteau devenir trou concave autre
la à rien aux recèle rivages m'exaspère sédimentent
transparente
des circonférence glas persistent non-dits